24/03/2011

Aliocha, 2 septembre 1939.

"Tu demandes trop, tu es trop dans l'attente, tu ne vois pas que tout ce que je souhaite est de ne plus espérer quoi que ce soit ni encore moins de souffrir.
- Je ne demande rien. Plus maintenant. J'ai entendu l'histoire et la mort qui pouvait du jour au lendemain vous surprendre au grand dam de vous-même. La mort subie me donne envie de vivre. La mort surprise me donne l'envie d'être et d'avoir ce qui aurait pu arriver il y a cinquante ans ou dans mille ans. Nous faisons partie du monde et nous sommes un corps qui pourrira et oubliera ce qu'il a pu ressentir sans pour autant réellement mourir. Nous ne sommes ni nés, ni morts. Nous sommes le monde, le monde est nous. Il n'y a pas de Dieu parce qu'il est partout. Je suis toi-même. Possédant mon moi tu y vois plus clair. Il n'y a plus qu'un mot : ailleurs c'est ici, je nous aime à présent, moi-ici-maintenant, encore lui. Je ne demande rien. Je ne sais même pas de quoi sera fait demain. Pourquoi espérerais-je de vivre, je ne sais même pas quand je vais mourir. Pourquoi attendrais-je de vivre, vivre c'est maintenant, maintenant est infini, perpétuel changement. Comme Elle le disait, mourir c'est pour bientôt, mais pas pour maintenant, alors pourquoi penser à ce qui n'est pas encore. A cet instant précis, je suis vivant. Je ressens. J'ai conscience de toi, de moi et de l'abîme qui ne devrait pas nous séparer. J'ai conscience de ma main qui voudrait effleurer ton front et consoler tes larmes. Je voudrais être fort pour toi, je voudrais te montrer que le passé est passé, que l'avenir n'est pas encore là, et qu'il faut profiter du présent, de l'instant, de toutes ces conneries-là. Si tu ne le veux pas, si ce n'est pas le cas, dis-moi non, tout de suite. Mais si tu en as besoin, si tu trembles de te jeter dans mes bras, si tu t'y refuses juste pour une peur de ce qui n'est pas encore arrivé, alors abandonne-toi : embrasse-moi, maintenant, embrasse-moi."